Des assistants IA prêts à collaborer

Deux chercheurs et un consultant auprès des PME ont dressé l’état de l’art des IA et précisé les cas d’usages servant la collaboration, lors du Forum des solutions IA.Cloud de mars dernier.

Alessandra Bagnato, Directrice de Recherche chez Softeam Software, filiale du groupe Docaposte, précise ses missions fondées sur les LLM/SLM (large/small language models) :
« En quelques mois, l’IA a provoqué un tremblement de terre dans nos activités professionnelles et personnelles. Tout chercheur doit essayer de comprendre où réside la véritable valeur ajoutée de l’IA, et comment la placer au service de son organisation. De nombreuses recherches consistent à tester les dernières versions des grands modèles et à vérifier comment maîtriser ces LLM, souvent américains, évoluant chaque jour via un apprentissage opaque et des codes rarement open source. Avec mon équipe, nous évaluons l’apport de petits modèles linguistiques consommant moins d’énergie et s’exécutant en local, et nous vérifions ce que l’on peut réaliser grâce à eux. Un outil comme LM Studio permet ainsi de charger et d’exécuter des modèles Llama sur son PC, avec des réponses plutôt rapides. En marge des grands LLM dans le cloud, ces mini-modèles open source s’avèrent souvent pertinents. »

Iyad Alshabani, expert en recherche et innovations et fondateur de BitSparkles retrace plusieurs progrès récents, dépassant les outils fondés sur de simples probabilités :
« L’IA existe depuis les années 1950. Mais il lui manquait de grands volumes de données et surtout une infrastructure pour soutenir l’apprentissage. A l’Inria il y a une quinzaine d’années, j’ai travaillé sur la sémantique des données, à partir de modèles de règles. L’évolution récente permet de résoudre les mêmes problèmes, de reconnaissance et de classification d’images notamment, autour de modèles linguistiques. Les avancées des infrastructures distribuées et du middleware autorisent des workflows et des pipelines associant plusieurs briques d’IA, en suivant une approche MLOps. L’orchestration de petits modèles distribués peut ainsi fournir une IA plus générale. Le chatbot ou agent conversationnel est devenu progressivement un assistant qui demandait encore une intervention humaine, puis un agent personnel capable d’automatiser les tâches attendues par l’utilisateur. Par exemple: un agent RH posera vos prochains congés en cohérence avec la charge de votre équipe et réservera, en lien avec d’autres agents, une destination que vous appréciez ; vous n’aurez plus qu’à approuver la suggestion. »

Différents facteurs de succès doivent être réunis pour une percée efficace de l’IA dans l’entreprise, confirme Jean-François Deldon, CEO de Yakadata : « Au quotidien, les outils d’IA servent à rédiger des emails, analyser des devis ou des appels d’offres. Les collaborateurs de TPE et de PME s’appuient aussi sur l’IA pour évaluer des dossiers de candidatures, de subventions et faire des recherches documentaires, souvent avec un besoin de confidentialité. Dans ce cas, un cloud sécurisé consolide les données. Le gain de temps procuré atteint jusqu’à 65%, permettant de mener des analyses plus poussées ou d’autres missions. L’acculturation des collaborateurs facilite l’adoption des assistants IA tandis que la gouvernance des données reste essentielle pour créer la valeur escomptée. »

Bien identifier les données d’apprentissage

« L’IA peut aider en simulation et modélisation, en particulier lors de situations de crises, ajoute Alessandra Bagnato. Lorsqu’une Business Unit rencontre un souci dans une grande entreprise, il faut considérer tout l’organigramme avant de ré-organiser les services et de déplacer les collaborateurs. De même, les managers doivent se poser les bonnes questions, avant de choisir un LLM ou un chatbot. Je leur suggèrerais d’analyser la transformation à entreprendre pour atteindre leur objectif, et de bien identifier les données nécessaires aux IA ; certaines data pouvant être partagées à notre insu par un LLM public. »
Les critères de sélection sont règlementaires (IA Act, RGPD), économiques et techniques à la fois, confirme Iyad Alshabani :
« Mieux vaut définir une stratégie IA autour de modèles open source et de données ouvertes qu’on peut enrichir à volonté avec des codes et des données, pour plus de performances. Avec des règles de propriété et de consentement bien définies, le propriétaire de la data reste celui qui a émis les données. Pour concevoir une IA à usage général, on combine des modèles qui fonctionnaient jusqu’ici de façon isolée pour les RH, le marketing, les ventes et d’autres métiers. On cherche à créer une conscience stratégique de l’entreprise dans le but de faciliter la prise de décisions. » Il estime que de telles IA générales deviendront communes d’ici à 2030 et en signale quelques particularités : en s’inspirant des neurosciences, des comportements et interactions, les modèles polyvalents sont capables d’intégrer des textes, des sons et des images et d’apprendre en continu, à l’instar du cerveau humain.

Les résultats pertinents créent la confiance

Pragmatique, la PME cherche à remporter de petites victoires rapidement, grâce aux outils d’IA disponibles en ligne : « Le projet d’IA en PME dure cinq à six mois et passe par deux phases, précise Jean-François Deldon. La première dure dix jours répartis sur deux mois environ pour bien cerner les tâches chronophages et leur contexte, identifier les souhaits des salariés et les risques à éviter. Une liste de cas d’usage, un plan d’action et quelques prototypes deviennent alors possibles. L’implémentation des sujets prioritaires prend ensuite un trimestre environ pour un coût de 10 k€ à 15 k€ par MVP (Minimum Viable Product). La pertinence des réponses de l’assistant va conditionner la confiance des utilisateurs. »

Plusieurs recherches en cours se focalisent justement sur la pertinence des résultats, sur l’identification de fakenews et d’autres biais des LLM. Ces biais peuvent provenir des données d’apprentissage, d’injections de données malveillantes ou de manipulations intentionnelles.

Alessandra Bagnato se dit néanmoins plus confiante que méfiante dans l’avenir des IA, tant que l’humain reste au centre des projets : « L’IA est un outil dont nous devons rester maîtres. Une réponse ou une suggestion peut sembler fascinante, mais s’avérer incohérente, à y regarder de plus près. Il faut conserver un esprit critique sur chaque résultat de l’IA, » conclut-elle.

Retrouvez les panels du Forum IA.Cloud de mars 2025 et les comptes-rendus des sessions préparées et animées par PulsEdit.

Auteur de l’article : la Rédaction

Journaliste et fondateur de l'agence éditoriale PulsEdit, Olivier Bouzereau coordonne la communauté open source OW2, conçoit des services et contenus en ligne, des conférences et formations pour les professionnels du numérique, des médias et de la santé. Profil LinkedIn.