Par Soumia Hattali, consultante numérique responsable, APL
Les indicateurs de la performance énergétique et environnementale des datacenters, et plus généralement du numérique, sont aussi nombreux que variés. Aux côtés de l’emblématique PUE, d’autres indicateurs, des plus globaux aux plus granulaires, offrent des perspectives d’amélioration continue, spécifiques à chaque exploitant. Avec l’évolution récente de la réglementation concernant les abattements liés à la taxe sur l’électricité, les opérateurs devraient de plus en plus adopter une démarche holistique à l’avenir.
La performance énergétique et environnementale d’un datacenter…
Une première approche consiste en une évaluation globale de la performance énergétique et environnementale d’un datacenter, selon trois axes : l’environnement technique, les équipements informatiques et les services IT hébergés.
En matière d’équipements techniques, le PUE (Power Usage Effectiveness) est sans conteste le plus utilisé à ce jour : il s’agit du rapport entre l’énergie consommée par l’IT et l’énergie totale utilisée par le datacenter ou, en d’autres termes, d’un rapport permettant la mesure de l’efficacité énergétique de l’infrastructure au service de la production informatique. On peut citer également le CUE (Carbon Usage Effectiveness : rapport entre l’équivalent CO2 de la consommation d’énergie de l’installation par la consommation totale d’énergie de l’IT). Sur ce périmètre, ces KPI restent limités car ils ne prennent en compte que la consommation de l’énergie. Pour bénéficier d’une approche globale, il faut prendre en compte l’éventuelle récupération de la chaleur fatale produite ou encore la part d’énergie renouvelable utilisée (REF).
Pour ce qui concerne les équipements informatiques installés dans le datacenter, il est possible de s’appuyer sur des indicateurs tels que le taux de virtualisation, le taux de charge, la durée de vie par typologie d’équipements, ou encore à travers le taux de réutilisation ou de valorisation des équipements dans le cadre de la gestion des déchets électroniques et électriques (DEEE).
Enfin, des indicateurs de performance énergétique et environnementale peuvent être définis pour les services numériques délivrés par les équipements informatiques du datacenter. Il s’agit de définir des indicateurs ramenés à une unité fonctionnelle spécifique au service délivré, telle qu’une une machine virtuelle (VM) par exemple.
…diffère de l’impact environnemental du système d’information
Toutefois, les mesures au sein du datacenter ne permettent pas d’évaluer l’impact énergétique et environnemental des services IT qui y sont hébergés. En complément des mesures et indicateurs globaux des centres de données, il est donc conseillé de mesurer précisément l’impact de chaque service fourni au sein du système d’information, en tenant compte de l’ensemble du cycle de vie des équipements supportant ce service. Ce qui implique de calculer, pour chaque équipement d’infrastructure ou IT (système de refroidissement, TGBT, UPS, groupes électrogènes, serveurs…), son impact depuis l’extraction des matières premières jusqu’à sa valorisation en fin de vie, en passant par sa fabrication, sa distribution et son utilisation.
À titre d’information, à l’échelle d’un datacenter de 600 m² consommant plus de 11 GWh/an, les équipements IT représentent 75% de l’empreinte environnementale du datacenter sur l’ensemble du cycle de vie.
Cette démarche d’évaluation des impacts environnementaux sur le principe du cycle de vie constitue une aide à la décision importante pour les directions des systèmes d’information. Elle peut, par exemple, conduire à la décision de virtualiser une application qui ne l’est pas encore, pour en limiter la consommation d’énergie, à redéfinir la stratégie de renouvellement des équipements ou encore de supprimer certaines applications qui ne sont plus utilisées, mais qui consomment des ressources.
Comment mesurer sa performance énergétique et environnementale
Quelle que soit l’approche retenue, face à la multiplicité des indicateurs, c’est à chaque entreprise de déterminer, en fonction de son contexte, ce qu’il est nécessaire de surveiller et de mesurer ainsi que les méthodes de surveillance, de mesure, d’analyse et d’évaluation et la périodicité de la surveillance et de la mesure.
L’enjeu dans la mesure de sa performance énergétique et environnementale est d’ajuster la métrologie via les instruments de mesure adaptés au plus proche des équipements et dont les informations seront utilisées comme données d’entrées dans le calcul des KPI définis. Le but est de favoriser la remontée automatique de données pour faciliter l’analyse des résultats au lieu de procéder à des relevés manuels qui sont moins fiables et chronophages pour les équipes.
La métrologie mise en place dans les datacenters est un outil de pilotage et non une finalité : il s’agit de définir des objectifs cibles, de surveiller qu’ils sont atteints, ou à l’inverse, d’identifier les éventuelles dérives, dans une démarche d’amélioration continue.
Adopter les démarches d’amélioration continue et les référentiels de bonnes pratiques
Une dernière approche pour évaluer la performance énergétique et environnementale d’un datacenter est d’ordre holistique, dans une démarche d’amélioration continue. L’objectif, dans ce cas, est alors de « se comparer à soi-même » dans la durée, pour tendre vers l’excellence énergétique et environnementale. Pour y parvenir, les organisations ont à leur disposition les normes ISO 14001 (système de management environnemental des organisations) et ISO 50001 (management de l’énergie), ISO 30134 (qui définit les indicateurs de performance clés des technologies de l’information et centres de données) ou encore EN 50600 (Information technology – data centre facilities and infrastructures). Enfin, le moins contraignant mais néanmoins profitable Code of Conduct for Data Centres de la Commission Européenne est un des référentiels plébiscités par de nombreuses entreprises.
Qu’elles soient globales ou plus granulaires, l’ensemble de ces mesures de la performance énergétique et environnementale repose sur une démarche plus ou moins volontaire, d’amélioration continue de chaque organisation, de chaque datacenter.
Toutefois, la loi de finances 2021 fait évoluer la fiscalité énergétique des datacenters à compter du 1er janvier 2022. Désormais, l’éligibilité à l’abattement de la Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Electricité sera conditionnée à la mise en œuvre d’un système de management de l’énergie et à l’adhésion à un référentiel officiel de bonnes pratiques en matière d’énergie. Les opérateurs de datacenters devraient donc, dans les prochaines années, être de plus en plus nombreux à s’engager dans ces démarches holistiques de mesure et d’amélioration continue de la performance énergétique et environnementale.